Expertise
sur l'ecstasy
Faire savoir que la MDMA ou ecstasy est un produit toxique, mettre
en garde les acteurs de prévention et les consommateurs contre
la pratique du "testing", sensibiliser le corps médical
à la reconnaissance des symptomes somatiques et psychiatriques
pouvant résulter de la consommation de MDMA, promouvoir la
mise en place de dispositifs d'observation notamment pour apprécier
l'ampleur du "phénomène ecstasy" et les
modalités de sa consommation , poursuivre les recherches
sur la neurotoxicité du produit et sur sa potentialité
à créer une dépendance, telles sont les principales
conclusions du rapport d'expertise collective "Ecstasy"
réalisée par l'INSERM.
L'intercommission de l'INSERM "Comportements en matière
de consommation" a souhaité engager une réflexion
sur l'impact des nouveaux types de consommation sur la santé
publique. La question des nouvelles drogues de synthèse,
en particulier l'ecstasy, en raison de l'ampleur de leur usage chez
les jeunes, s'est rapidement imposée comme un thème
prioritaire.
Pour mettre en place des stratégies de prévention
efficaces, il est impératif de disposer d'un bilan critique
des connaissances scientifiques et médicales sur le sujet.
C'est la raison pour laquelle l'intercommission a demandé
à l'INSERM de réaliser une expertise collective sur
l'Ecstasy'. Le rapport rendu public aujourd'hui analyse prés
de 1 OOO articles scientifiques et médicaux et dresse des
recommandations de santé publique et de recherche. Il sera
public, en Août 1998, dans la collection.
Expertise collective aux éditions de l'INSERM.
La réalisation de l'expertise a bénéficié
du soutien financier du ministère en charge de la recherche
et de la Mission interministèrielle de lutte contre la drogue
et les toxicomanies (MILDT).
A 3,4-méthylènedioxyméthamphetamine (MDMA),
principe actif de l'ecstasy, est une molécule issue de la
recherche pharmacologique du debut du siecle.
Initialement destinée à être utilisée
comme coupe-faim, cette substance dérivée de l'amphétamine
n'a jamais été développée comme medicament.
Au début des années 1980, I'usage récréatif
de la MDMA, désormais appelée 'ecstasy', se développe
aux Etats-Unis, puis en Europe. En 1985. Ia publication de plusieurs
déces associés à la prise de cette substance
et les études réalisées chez l'animal conduisent
la Drug Enforcement Administration (DEA), agence américaine
de contrôle des stupéfiants, à prohiber sa consommation.
L'ecstasy est aujourd'hui classée comme substance narcotique
de type 1, catégorie la plus restrictive habituellement reservée
aux stupefiants induisant une forte dépendance. Si l'ecstasy
désigne théoriquement de la MDMA, elle contient le
plus souvent un mélange de substances aux activites différentes.
Elle exerce des effets psychotropes qui se traduisent par une désinibition,
une sensation d'euphorie, un accroissement de l'énergie physique.
Ces effets pourraient résulter de l'action du produit sur
le fonctionnement de certains neurones en liberant massivement des
neuromédiateur connus pour savoir des effets sur l'humeur:
la sérotonine et la dopamine.
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Informer
de la toxicité de l'ecstasy
L'ecstasy, en raison des propriétés pharmacologiques
de la molécule MDMA, est un produit toxique indépendamment
de tout abus.
Pour cette raison, sa reputation de substance inoffensive doit etre
battue en brèche auprès des usagers. Le groupe d'experts
attire l'attention sur les conséquences graves que peut engendrer
la consommation de MDMA: I'analyse détaillée d'une
centaine de cas d' intoxications liées à la prise
d'ecstasy révèle que des complications somatiques,
parfois mortelles, comme un syndrome d'hyperthermie (Une élévation
importante de la température corporelle) ou des hépatites,
peuvent survenir aussi bien à la première prise d'un
comprimé qu'à la suite de plusieurs bien tolérées
La sévérité de ces complications ne dépend
ni de la quantité de MDMA contenue dans le comprimé,
ni de la régularité de la prise. Elle pourrait, en
revanche, être lice au contexte d'usage du produit: une température
ambiante élevée, la déshydratation,
L'expertise collective de l'INSERM est une procecure qui permet
de faire le point sur les connaissances scientifiques et médicales
à un moment donné.
Pour repondre à une question posée par les poovoirs
publics ou le secteur privé, I'INSERM réunit un groupe
pluridisciplinaire composé de scientifiques, médecins
et chercheurs hautement compétents dans le domaine concerné.
Ces experts réalisent une analyse critique de la littérature
mondiale et une senthèse des points essentiels retenus. Le
rapport rend compte de ces deux étapes. Des recommandations
destinées plus spécifiquement au demandeur de l'expertise
sont élaborées comme support de la décision
Pour cette expertise sur l'ecstasy, prés de 1 000 articles
ont été analysés par douze experts. La coordination
scientifique et éditoriale a été assurée
par le Service commun nø 14 de 1'INSERM "Ages de la
vie, infections, envrionnement" dirigé par Jeanne Etiemble
Une consommation d'autres substances psychoactives (alcool, médicaments...)
sont autant de facteurs qui peuvent potentialiser les effets toxiques
de la MDMA. Tout aussi graves que les complications somatiques,
des troubles de nature psychiatrique (psychose, dépression...)
ainsi que des perturbations des fonctions cognitives (troubles
de la mémoire, de l'audition...) peuvent apparaitre plus
ou moins longtemps après la prise d'ecstasy.
Ces symptômes pourraient être mis en relation avec le
risque de destruction irréversible de certains neurones.
Le groupe d'experts recommande d'informer explicitement les jeunes,
usagers ou non, et leur entourage des dangers que fait courir la
consommation de MDMA. Il préconise la mise en place de groupes
de travail, comprenant des acteurs de terrain, pour définir
les modalites que doit revêtir cette information dans le cadre
d'actions de prévention et de suivi.
Mettre en garde contre le testing
Informer sur les conséquences graves que peut engendrer la
consommation de MDMA apparait, aux yeux des experts, d'autant plus
justifié que certaiins attribuent, à tort, la toxicité
de l'ecstasy non pas à la MDMA elle-meme, mais à l'impureté
des comprimés qui, selon les cas, peuvent contenir des amphétamines,
des anabolisants, des analgésiques, des hallucinagènes...
Ce type de raisonnement a conduit à préconiser la
pratique, sur les lieux de consommation, du 'testing'.
Cette technique, qui repose sur un test de colorations peu spécifique,
présume, tout au plus, de la presence de MDMA dans le comprimé.
Dans le cas où le test laisse supposer que le comprimé
est exclusivement constitué de MDMA, le risque ne doit pas,
pour autant, être écarté:
la MDMA est une substance toxique. Parce qu'elle entraine une fausse
sécurite pour l'usager et une lourde responsabilité
pour le "testeur", les experts mettent en garde les acteurs
de prevention et les consommateurs contre la pratique du 'testing"
lls recommandent qu'une procédure d'évaluation scientifique
des actions de prévention destinées aux jeunes soit
effectuée, en toute indépendance vis à vis
des acteurs de terrain et des décideurs institutionnels.
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